La question des « wokistes » et des « anti-wokistes » s’impose aujourd’hui comme l’un des débats culturels et politiques majeurs, tant aux États-Unis que dans les espaces francophones, dont la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). Le terme « woke », né dans les milieux afro-américains pour signifier une « prise de conscience » (to stay woke) des mécanismes de domination raciale, s’est rapidement élargi à un ensemble d’engagements sociaux, politiques et identitaires visant la reconnaissance des minorités et la remise en question des hiérarchies traditionnelles. À l’inverse, le mouvement « anti-woke » regroupe une pluralité d’acteurs et de discours qui dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une forme de censure, de dérive autoritaire ou de communautarisme excessif. Entre ces deux pôles s’opposent caricatures et procès d’intention : d’un côté, les « wokistes » seraient de dangereux idéologues prêts à détruire le patrimoine culturel et à imposer une langue « inclusive » ; de l’autre, les « anti-wokistes » ne seraient que de farouches « réactionnaires » hostiles à toute forme de progrès social ou de reconnaissance des « opprimés».
Pourtant, dans cette polarisation croissante, peu s’attardent sur la nuance. Les acteurs des deux camps partagent parfois des préoccupations communes : la dénonciation des inégalités, le désir d’une société plus juste ou la critique de certains usages excessifs du langage. L’objet de cette étude est précisément de dépasser la confrontation factice pour interroger les apports, les limites et les dérives tant des positions « woke » que « anti-woke », et d’envisager une voie intermédiaire, non pas synonyme d’apathie, mais d’esprit critique, d’ouverture et de vigilance réciproque.