Conférence CEG du 5 mai 2015 relative aux discriminations à l’embauche

Ce mardi 5 mai, nous recevions dans le cadre de nos conférences CEG  Jean-Claude Daoust, Administrateur délégué de la société Daoust,, Président honoraire de la FEB et de BECI, Administrateur de Actiris.

Nous lui avions proposé de présenter un exposé relatif aux discriminations à l’embauche, qui demeure un sujet pleinement d’actualité même si il est insuffisamment connu du grand public.

Jean-Claude Daoust est tout d’abord parti du postulat que la diversité fait partie intégrante de notre société et a identifié 5 groupes-cibles victimes  potentielles de discriminations :
– Les personnes d’origine non belge
– les personnes de plus de 45 ans
– Les personnes moins valides
– Les femmes
– Les préférences d’origine sexuelle
La dimension linguistique comme critère de discrimination sera abordée lors du débat en fin de conférence avec les participants venus nombreux.

L’orateur a structuré son exposé en 3 parties
1.  La partie chiffrée qui illustre la difficulté qu’ont certains goupes cibles à accéder à l’emploi –en se basant sur les chiffres bruxellois d’Actiris qui ne représente que 15% de l’accès à l’emploi mais qui néanmoins sont un bon baromètre pour analyser le marché de l’emploi à Bruxelles dans sa diversité.
2. Les mesures prises pour lutter contre ces pratiques discriminatoires
3. Les facteurs de réussite d’une politique de diversité.

  1. Le marché bruxellois de l’emploi
    000 emplois à Bruxelles dont 92% dans le secteur des services (salariés et fonctionnaires) ; 1/3dans la fonction publique ; autres secteurs importants : Commerce ; Finances ; Assurances ; Santé (hôpitaux gros employeurs)  ; Action sociale.
    Plus de la moitié des emplois sont occupés par des non bruxellois.
    Autres caractéristiques :
    – Faible croissance :
    Annuellement le marché de l’emploi s’accroit de 5000 unités ce qui peut paraître élevé mais qui en réalité ne correspond qu’à une progression annuelle de 0,9% .alors que la démographie bruxelloise est près de 3 fois supérieure à ce  qu’elle est en Wallonie ou en Flandres.
    – Exigence d’une qualification :
    Plus de la moitié des emplois demandent un diplôme d’enseignement supérieur ; or le taux  de diplômés de l’enseignement supérieur n’est que de 35% alors que le taux d’activités des diplômés de l’enseignement supérieur est de 83% tandis que  le taux d’activité des personnes peu qualifiées n’est que de 46%.

Des groupes-cibles au banc du marché de l’emploi
Discrimination des personnes d’ascendance étrangère
A Bruxelles 66% de la population bruxelloise est d’origine étrangère ; leur taux d’emploi varie entre 38 et 53% (en fonction de leur origine) alors que le taux d’emploi des personnes d’origine belge est de 74% ; toutefois 86% des entreprises bruxelloises ont du personnel d’origine étrangère mais à peine 36% occupe  des postes qualifiés.
Discrimination par rapport à l’âge
30%  des inscrits chez Actiris a plus de 45 ans et le nombre de demandeurs d’emploi de plus de 50 ans a triplé depuis 10 ans. Leur taux d’emploi n’est que de 54% .
Les causes sont connues : coût patronal élevé et difficulté d’adaptation au changement.

Discrimination par rapport au handicap
Le handicap peut être de naissance ou évolutif. Le taux d’emploi belge des handicapés est de 40 % comparé à une moyenne européenne de 47%.
A Bruxelles il varie de 40 à 66% en fonction du handicap. 29% des entreprises bruxelloises ont du personnel présentant un handicap.45% des sociétés ont une infrastructure adaptée.

Discrimination par rapport au genre
A Bruxelles le taux d’activité masculin est de 72% contre 58% pour les femmes alors qu’il y a un nombre égal d’hommes et de femmes actifs; de plus l’écart salarial moyen à fonction équivalente est de 10% ; il se monterait même jusqu’à 22% au niveau national pour certaines fonctions.
De plus en cours de carrière les femmes subissent ce qui est appelé le « plafond de verre » c’est-à-dire  la difficulté pour une femme de grimper dans la hiérarchie d’une entreprise ; l’auto discrimination en est une des causes : refus de postuler pour un poste plus élevé compte tenu de contraintes familiales.
Une des conséquences est qu’à salaire moindre, le niveau de la pension sera plus faible.

Lorsqu’une personne cumule les caractéristiques ci-dessus l’accès à l’emploi devient réellement problématique.
Bien entendu les entreprises, soumises à la concurrence et à la recherche du profit ont naturellement tendance à recruter les candidats les plus performants, à éviter les tensions   entre les membres du personnel et à satisfaire leur clientèle.

Discrimination par rapport à la langue
En réponse à une question l’orateur voit deux raisons à l’engagement de néerlandophones au détriment de francophones :
–  une  qualité de l’enseignement francophone inférieure avec comme conséquences que les candidats francophones sont moins performants
–  une désaffection des francophones pour le métier RH , ce qui a comme conséquence que les RH néerlandophones ont tendance à engager des candidats de leur communauté : » un RH anversois aura tendance d’engager un candidat anversois qu’il soit flamand d’origine ou marocain ».
Par ailleurs beaucoup de Bruxellois ayant un emploi ont quitté Bruxelles pour s’installer en périphérie (Brabant wallon ou Brabant flamand) .

  1. Les Initiatives prises pour lutter contre la discrimination à l’embauche :
  • Les mesures publiques :

La loi fédérale anti-discrimination de 2007 relative aux relations de travail en matière de langue , d’orientation sexuelle, de religion,…) Elle fixe aussi un objectif de 3% en matière d’emploi de moins valides dans les services publics fédéraux.
Elle a comme particularité qu’elle incombe à l’employeur la charge de la preuve en cas de plainte ; de plus la sanction à un caractère pénal

La loi de 2011 qui impose un quota de 1/3 de femmes dans CA des entreprises publiques et sociétés privées.
La loi de 2012 qui régit la neutralité de rémunération homme/femme mais qui ne concerne pas les PME

Des décrets régionaux comme l’ordonnance à Bruxelles incitant les entreprises à adhérer à  une charte de la diversité mais sans caractère impliquant.
La COCOF octroie une prime d’insertion et de subvention à l’engagement de moins valides pour compenser la perte de productivité.

  • Les mesures incitatives :
    le plan Rosetta :
    3% de jeunes en entreprise et le compte est doublé si le jeune est d’origine étrangère
    Diminution de la cotisation patronale pour certains groupes-cibles

 

  • Les pratiques positives à l’initiative des entreprises
    Parrainage des jeunes
    par les seniors (mais pas toujours facile à mettre en œuvre)
    Echange entre entreprises pour démontrer la relation entre performance économique – égalité de genre et diversité
    Plusieurs exemples ont été cités comme l’engagement mal entendants dans les secteur de l’imprimerie

 

  1. Les facteurs de réussite d’une politique diversité
  • Le rôle du politique : si l’orateur n’est pas partisan de l’instauration de quotas contraignants il reconnait néanmoins aux pouvoirs publics un rôle d’incitant mais insiste surtout sur l’amélioration de l’enseignement en communauté Wallonie – Bruxelles dont le niveau est largement inférieur à la moyenne européenne et à la communauté flamande.
  • Le rôle de la presse : mettre en avant les belles réussites en matière d’intégration sociale
  • La responsabilité de la Direction Générale de l’entreprise
    – en motivant le personnel à s’ouvrir à la diversité
    – en établissant  les valeurs de l’entreprise qui sont un élément attractif de choix  d’entreprise chez les  jeunes

Une gestion RH en entreprise qui a comme critères :
– recruter les meilleurs candidats d’où qu’ils viennent
– veiller à la neutralité professionnelle en matière de conviction
– s’assurer  que les promotions soient objectives
– faire adhérer le personnel en place aux valeurs de la diversité
– veiller à ce que les effectifs de l’entreprise soient représentatifs de la société