Complémentarités économiques Wallonie-Bruxelles

Le Centre d’Etudes Jacques Georgin (CEJG) a pris l’initiative de réunir le 7 février 2015 des acteurs importants du développement économique en Wallonie et à Bruxelles autour d’un thème auquel le FDF est particulièrement attaché : renforcer les liens entre la Wallonie et Bruxelles en se focalisant cette fois sur les Complémentarités  économiques que  nos deux régions doivent concrétiser dans un esprit gagnant-gagnant.
Les complémentarités économiques ont été identifiées par la Fondation FREE et reprises  dans un document qui fut envoyé aux participants, en préparation à ce colloque. Cette étude  identifie  les atouts de nos deux régions et conclut à une dizaine de propositions à mettre en œuvre pour tirer parti des synergies potentielles.

Les différents acteurs de la vie économique ont été invités à réagir aux lignes de forces proposées dans ce rapport et ont corroboré l’approche soutenue par le CEJG : la Wallonie a besoin de Bruxelles et Bruxelles a besoin de la Wallonie

L’occasion était donnée au CEG de remettre au cœur du débat politique cette nécessaire complémentarité entre les économies de nos deux Régions, en tant que vecteur de croissance, face à un facteur démographique en explosion

En effet, comme l’a fort justement rappelé un des orateurs lors du colloque, 10% des Wallons actifs travaillent en Région bruxelloise et un tiers de l’emploi wallon est en lien avec Bruxelles

Les atouts de Bruxelles
Partout dans le monde les villes sont le moteur de la croissance économique et  Bruxelles (produisant 28,7% du PIB national et l’une des 3 Régions les plus productives d’Europe en termes de PIB/h MAIS est la Région la plus pauvre du pays en termes d’IPP );en est un exemple marquant  mais paradoxalement la population au sein des 19 communes s’appauvrit alors que les populations dans les zones  qui jouxtent la capitale, et en particulier dans les Brabant flamand et wallons, profitent économiquement  du dynamisme de la capitale.
Ce dynamisme  économique bruxellois,  axé essentiellement et de plus en plus sur le secteur des  services, est exposé à deux grands défis; le premier est  l’inadéquation entre  l’offre d’emplois qualifiés dans la région et la qualification insuffisante de sa population en âge de travailler, le second est  lié aux problèmes de mobilité qui incitent  les entreprises à quitter l’espace bruxellois.

Bruxelles offre à la fois un gigantesque centre de services et sa visibilité internationale au profit de la Wallonie.

Les atouts de la Wallonie
La Wallonie ne dispose pas :
– de ville  qui atteigne  la  taille critique de 500.000 habitants  pour être un pôle de croissance (mais Bruxelles ne pourrait-elle pas devenir la plus grande ville wallonne ?) ; pour la fondation FREE, l’économie moderne va surtout se développer autour des grandes villes, pas des villes intermédiaires.
– d’un  port maritime (Anvers) ou d’aéroport national (Zaventem)  qui sont des moteurs d’activités économiques et d’emploi ( sans ces pôles d’activités, le taux de chômage flamand serait proche du taux de chômage wallon) .
Mais elle a comme atout :
– un grand espace disponible pour affecter  des terrains (que la Flandre n’a plus ou en tout cas insuffisamment) à des fins  économiques mais peu accessibles à cause d’un réseau routier déficient et d’un faible taux de fiabilité du transport ferroviaire

En revanche, il s’agirait d’utiliser plus à plein les avantages du transport fluvial pour doper l’économie wallonne ( liaison Seine Escaut) et d’étudier les modalités d’utilisation des éco-combis ( qui permet de lutter contre la fraude sociale) puisque sujets à autorisation officielle.
– une main d’œuvre disponible mais confrontée à des problèmes croissants de mobilité  pour se rendre à Bruxelles, grand pourvoyeur d’emplois.
– des pôles universitaires, scientifiques de niveau international et une articulation Entreprises-recherche-enseignement très élaborée, des espaces libres, des gisements touristiques, d’excellentes infrastructures de transport, mais doit gérer un lourd passé industriel,  est confrontée à des pôles de développement excentrés et a besoin d’une vitrine internationale

Un des orateurs  a notamment insisté sur les perspectives de faire du tourisme en Wallonie un secteur d’activités économiques à part entière.

L’ambition est  de créer les conditions pour que les deux économies soient davantage liées dans un espace qui a le français comme langue commune.

Actions à entreprendre

  1. Résoudre les problèmes de mobilité

La problématique de la mobilité est au cœur de notre croissance commune

l’ « immobilité » peut faire perdre entre 1 et 1.5% de points de croissance selon les études menées par l’OCDE.

Des retards structurels dans les infrastructures deviennent presque dépassés (RER, Trilogiport…..)

Certaines mesures ne sont pas trop difficiles à mettre en œuvre et ont un effet important à court terme:

  • Instaurer une redevance sélective (redevance kilométrique différenciée)  qui taxe  l’automobiliste passant  à certains endroits et à certaines heures de la journée connus pour être des points particulièrement névralgiques tout en exemptant ceux qui exercent  des professions ne leur donnant pas le choix  ( tels que les enseignants…. ) mais dont l’impact sur l’intermodalité doit toutefois être étudié.

  • Encourager les  entreprises, en accord avec les organisations de travailleurs,  à pratiquer des horaires glissants et le télétravail auxquels trop d’employeurs sont encore réfractaires.

  • Mieux orienter les investissements de la SNCB en Wallonie ; pourquoi investir des  montants astronomiques dans des gares prestige ?  d’autant plus que comme l’indique le cas de Liège (qui s’est rapproché en temps de Bruxelles)  cet investissement n’est accompagné d’aucun plan de développement d’affaires aux alentours de la gare.

  • Adapter les horaires de livraison de marchandises

D’autres mesures ont un impact également élevé mais sont plus coûteuses et auront un effet à un horizon plus lointain

  • Augmenter le budget alloué à la SNCB pour orienter les navetteurs vers le chemin de fer.

    Des études ont montré que le transport par route représente 70% du total, contre 7% pour le rail, ce qui signifie que pour transférer 10% du trafic automobile par le rail  exige de doubler la capacité des chemins de fer ; or l’axe Nord-Midi  déjà saturé est un goulot d’étranglement quasi impossible à résoudre.

    La solution est la création d’une jonction BXL Midi –Léopold qui allegerait la jonction Nord-Midi et serait  bénéfique de plus aux voyageurs venant de Namur pour accéder à BXL Midi

  • Accélérer la mise en place du RER avec  un opérateur distinct de la SNCB

  • Etudier le contournement de Bruxelles qui soulagerait le ring et créerait des espaces pour accueillir des zones d’activités, en particulier dans l’axe Bruxelles Charleroi

  • Réfléchir à de nouvelles formes de financement des infrastructures (ferroviaires) (PPP, voire privatisation)

  1. Une nouvelle gouvernance pour promouvoir l’intermodalité en se mettant à la place du voyageur ; il est impératif  que les différents acteurs de la mobilité coordonnent leurs investissements. Aujourd’hui ils travaillent en silo.

    Cette coopération vaut également pour les régions qui, suite à la dernière réforme de l’Etat, ont hérité d’un important lot de compétences. A titre d’exemple quelques points noirs de la circulation (Carrefour Léonard, les feux de Hal)  ne peuvent être résolus sans l’intervention de la région flamande.

    Le gouvernement bruxellois a un rôle de coordination à jouer dans cette concertation entre régions ; un des objectifs de cette concertation est aussi d’éviter que  des taxations différentes sur la mobilité, le travail ou l’entreprise ne créent une concurrence interrégionale.

  1. Faire de l’aéroport de Charleroi le deuxième aéroport national pour soulager Zaventem qui, du fait de  sa localisation, ne peut raisonnablement absorber la croissance de trafic prévisible.

    Il faut créer le raccordement ferroviaire qui était prévue, indispensable pour organiser efficacement le transfert des voyageurs vers Bruxelles.

  1. Développer le secteur TIC (fabrication d’équipements, télécommunications et services informatiques) qui recouvre les entreprises, les centres de recherche et les centres de formation  et qui est en plein essor. Pourquoi ne pas en faire un pôle de compétitivité commun à la Wallonie et à Bruxelles pour mettre en commun les efforts déployés par les pouvoirs publics?

La plupart des orateurs déplorent le retard pris par nos Régions, mais l’Union européenne en est d’ailleurs la première responsable, dans l’économie numérique.

  1. Dans le même esprit, le CEG ajoute qu’il faut également favoriser l’essor du secteur de l’image et des industries culturelles, secteurs d’avenir, où nos 2 Régions sont fortes.

Pour l’image, on pense à E-MOVIX, EVS, Fishing Cactus, Flying Cam et d’autres réunis au sein du cluster TWIST, au parc Initialis de Mons abritant le Centre Technocité et le Microsoft Innovation Center.

Plus que d’autres les industries culturelles ont la particularité de réunir nos 2 Régions.

En Europe comme ailleurs dans le monde, le poids des industries culturelles dans le PIB croît et c’est un secteur où la concurrence des pays émergents est (encore) moins forte.

  1. Rapprocher le monde entrepreneurial wallon de Bruxelles.
    Les entreprises wallonnes et leurs représentants sont quasi absents de ce qui s’organise  à Bruxelles qui est un centre services de premier ordre et une vitrine internationale

  2. Faire sortir les deux Régions de leur « silo » : tant pour les pôles de compétitivité que pour les organes de gouvernance : un rapprochement des deux Conseils économiques et sociaux est souhaitable mais se heurte à l’inertie : en effet il existe un CES de WB (associant les deux Conseils), mais il est en léthargie.

  3. Commerce extérieur : les 2 Régions doivent continuer à organiser des missions conjointes, en associant des opérateurs longtemps oubliés : universités et centres de recherche (progrès depuis quelques années), cours de langues, design, stylisme, audiovisuel, musique, architecture et même spectacle vivant. C’est par ce biais que nous pourrons aider le secteur culturel dans cette période de réductions des budgets de la culture au sens traditionnel.